Grignoter les feuilles d’arbres, déguster les fleurs des champs, ça fait grand bien!

Aventuriers, paisibles promeneurs du dimanche,

bienvenus!

Je vous emmène dans la nature sauvage, celle qui se situe au delà de la campagne, celle qui est ni rangée, ni sélectionnée, celle qui pousse par sa seule force, sans labour, sans engrais, sans compost, en toute liberté…

 La nature sauvage inquiète car nous ne la maîtrisons pas, de moins en moins connue, elle peut même faire peur : on la croit infestée de milliers de plantes toxiques qui nous attendent derrière chaque buisson pour nous attaquer! Pourtant, à l’échelle de l’humanité (7 millions d’années pré-hominidés, 1,8 millions d’années homo erectus, – 400 000 à -200 000 homo sapiens), l’agriculture ou la nature maîtrisée, est une invention récente (environs – 8 000 ans). L’homo sapiens que nous sommes a donc mangé principalement des plantes sauvages pendant au moins 192 000 ans, et jusqu’en 1950 il était encore courant d’en consommer dans nos contrées (en Asie c’est encore courant, même au Japon).

Les plantes sauvages sont nos amies

Dans nos pays sur-développés, en quelques générations, nous avons malheureusement oublié que c’était possible de se nourrir de la nature. Bref, il serait bien dommage de s’en priver toute notre vie! Pour les aventuriers du palais, ce sont des goûts nouveaux, à portée de main et qui sont tout aussi variés que le meilleur rayon de fruits exotiques de nos supermarchés!

Qu’attendons-nous pour découvrir le croquant juteux de la jeune tige de berce, la piquant de la bourse à pasteur et le sucré des cornouilles en automne?

Les plantes toxiques existent certes, mais elles sont moins nombreuses que les champignons ne sont mortels. La même règle d’or prévaut : on ne cueille que ce qu’on connaît. Du côté de la qualité, les plantes sauvages sont souvent plus concentrées en nutriments. En effet, la sélection des espèces qui s’est faite avec l’agriculture s’est déroulée sur des critères esthétiques, gustatifs ou de rendement. Cela, sans le savoir, au détriment de gènes liés aux nutriments (car tout gène se conserve au détriment d’un autre). En résumé, nous avons beaucoup de fruits plus gros, mais moins nourrissants par rapport à leur poids.

Par exemple, prenons la plus connue : la délicieuse ortie, qui est impossible à confondre vu qu’elle pique et le trèfle (luzerne).

quantité/100g

Protéines (g)

Fer (mg)

Calcium (mg)

Vitamine C (mg)

Ortie

8

7,8

630

333

Luzerne

(Lentilles 28)

5,4

440

(Pissenlit 473)

165

Autres

Viandes 20 environ

Viande de bœuf 2,3

Lait 120

Citron/orange 53

Valeurs tirées de François Couplan (ethnobotaniste qui a remis au goût du jour les plantes sauvages comestibles) Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées

Au delà des chiffres, pour constater la résistance des plantes sauvages, on peut tout simplement se balader dans un potager, on y verra des « mauvaises herbes » comestibles, qui n’ont de mauvais que l’endroit où elles poussent : le cultivateur avait décidé qu’une autre plante y pousserait. En hiver, on y verra des lignes de légumes cultivés qui se rabougrissent misérablement par le froid, entre lesquels la stellaire et la pimprenelle, sauvages, poussent brillamment, la tête droite et bien verte.

Alors, si « on est ce qu’on mange », autant ajouter à nos plats des plantes plus résistantes, qui poussent sans aide humaine ! Peut-être qu’on serait alors moins mous et enfin prêts à vivre nos rêves
Un autre avantage de connaître les plantes sauvages, c’est qu’elles sont gratuites. Pourquoi aller dans ces désagréables supermarchés quand on peut trouver de la salade de saison « bio » et sans emballage tout en faisant une belle ballade ?

La nature travaille pour nous

En fait, pour celui qui connaît les plantes comestibles, la nature sauvage est commune son immense potager où il peut se servir gratuitement et dont il n’a pas besoin de s’occuper ! On croirait presque un paradis. Il n’est pas étonnant que la permaculture, qui s’y connaît en paradis, ait intégré une zone 5 sauvage dans son design.

Retrouver des goûts et des savoirs ancestraux nous rapproche certainement de nos origines et de ce qui est inscrit dans nos gènes d’ex-cueilleurs et d’actuels humains appartenant au monde naturel. C’est aussi un moyen de mieux respecter la nature, car quand on cueille, on doit suivre une règle importante : ne prendre que les plantes qui poussent assez nombreuses.

On n’aime que ce qu’on connaît. Et c’est peut-être parce qu’on connaît la nature de moins en moins, qu’on la détruit de plus en plus! Elle est dévalorisée, certains la considèrent comme un espace perdu, inutile, « improductif », ou à l’inverse comme un espace interdit, à isoler sans jamais pouvoir y aller. Sauvage, la nature, est mal connue, elle ne fait pas partie de nos vies. Connaître les plantes sauvages, c’est une voie pour aimer la nature: goûtez-la, allez à sa rencontre, connaissez-la, pour qu’elle fasse partie de votre vie. Sans quoi, nous l’oublions tous et nous la détruisons sans égards ni conscience.

Si ce riche potager sauvage n’a pas besoin d’être arrosé, c’est culturellement qu’il faut s’en occuper. En luttant aujourd’hui, en allant à sa rencontre pour la connaître et l’aimer, pour que les espaces sauvages continuent d’exister. Moteur de santé, d’autonomie et d’amour pour la nature, il est de notre devoir de retrouver ces savoirs ancestraux et de les diffuser!

Apprendre à connaître les plantes est très facile avec quelqu’un qui nous les montre et nous les fait goûter; une fois rencontrée, une plante est comme un visage, on la croise et on la reconnaît sur les chemins, même en ville elle nous salue pendant que nous traçons notre route!

Léna Abi Chaker, publié dans Graines d’abondance, Journal libre de la permaculture (téléchargeable : http://graines-abondance.tk/ )

Sources additionnelles: François Couplan: La nature nous sauvera et Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques.